
Dès son réveil, Thierry Auclair entendit les pas d’un de ses robots domestiques approcher de son lit. Celui-ci venait lui apporter son petit déjeuner au lit qu’un autre robot avait préparé il y a dix minutes. Il n’avait jamais vraiment très faim le matin mais ayant une peur maladive de la moindre carence alimentaire, il ingurgita son petit déjeuner sans plaisir mais avec un sentiment de devoir accompli, comme chaque jour. Lorsqu’il commença à se lever, le robot en charge de lui apporter sa robe de chambre la lui tendit et aida Thierry Auclair à l’enfiler. Il se précipita ensuite dans la salle de surveillance de son manoir situé à quelques mètres de sa chambre. Il consulta alors le compte-rendu des caméras de surveillance située tout autour de sa résidence pour savoir s’il s’était passé quelque chose d’anormal cette nuit. Et comme lors des dix dernières années, il ne s’était rien passé.
Rassuré par ce contrôle, il retourna dans sa chambre pour s’habiller avec l’aide d’un autre robot spécialisé dans ce domaine, puis traversa le grand hall pour y rejoindre le salon. Il se cala sur son canapé qui faisait face à l’écran plat qu’il n’avait plus allumé depuis 10 ans, soit depuis que l’épidémie de la COVID-20 eut exterminé la quasi-totalité de la population terrienne, ne laissant qu’environ 20 000 survivants d’après la dernière estimation de Thierry Auclair. De là, il commença à rédiger la liste des expérimentations qu’il prévoyait de faire dans la journée afin de trouver un vaccin lui permettant de s’assurer qu’il pourrait enfin sortir de chez lui sans risque au bout de dix années d’enfermement.
Il enfila sa blouse qu’un robot dédié à cette tâche lui apporta, et composa le code secret sur le cadran dédié situé en haut de la cheminée qui ouvrit la trappe située derrière le canapé menant à son laboratoire. Il descendit les marches, et commença à organiser son plan de travail. Il se rendit ensuite au fond de la salle pour vérifier si les souris sur lesquelles il avait testé son dernier vaccin avait eu un effet. Mais il se rendit compte rapidement qu’aucune d’elles n’avaient survécu. Comme les précédentes tentatives. Mais comme à chaque fois, il trouva la force de ne pas sombrer dans le désespoir. Il ne savait pas d’où lui venait cette faculté, un réflexe naturel de survie peut-être. Au bout de dix ans de solitude, cela continuait de le fasciner. Jamais il n’avait touché à un antidépresseur malgré qu’il en eut fait une réserve lorsque l’épidémie avait commencé à se déclencher.
Il commença à mélanger plusieurs produits pour tenter de tester un nouveau vaccin. La principale difficulté avec ce virus était qu’il avait la faculté de faire fondre la peau de celui qui en était atteint et ce quelques heures après la contamination. Il fallait donc trouver un vaccin qui puisse annuler ce processus. Se retrouver seul face à un tel défi était donc incroyablement complexe. Alors qu’il était plongé dans ses expériences, il entendit le bruit de pas d’un robot en train de descendre l’escalier menant à son laboratoire. Chose assez rare car ses robots n’avaient consigne de le déranger que pour certaines situations rares. Le robot se mit à parler de sa voix métallique : « Monsieur, un être humain vient de sonner au portail du manoir ».
Totalement abasourdi par cette nouvelle, Thierry Auclair se précipita vers l’escalier pour remonter vers le salon, puis se rendre dans la salle de surveillance. Il scruta rapidement les écrans et vit qu’il s’agissait à première vue d’un facteur. C’était la première fois en dix ans qu’il voyait un être humain, même sur un écran. Il fut alors submergé de sentiments contradictoires : à la fois une immense joie mais aussi un méfiance farouche face à cette situation inattendue. Il sentit une larme se verser le long de son visage, mais se retint pour cela se ne transforme pas en torrent.
Il prit son micro pour s’adresser à son visiteur et décida de garder ses distances dans un premier temps en employant un ton sec et ferme :
- Qui êtes-vous ? Que voulez-vous
- C’est le facteur monsieur, j’ai plusieurs lettres pour vous.
- Vous vous moquez de moi ? Les services publics ont disparu depuis des années. Quasiment toute l’humanité a disparu depuis des années.
- Ecoutez monsieur, mes collègues m’avaient prévenu que vous étiez bizarre mais pas à ce point. Tout le monde au village se porte bien. Vous avez besoin d’aide peut être ?
- Besoin d’aide ? Pour qui me prenez-vous petit scélérat ? J’ai survécu seul à l’épidémie de COVID-20, vous pensez vraiment qu’un facteur peut m’aider en quoi que ce soit ?
- Eh bien, il peut vous aider pour votre courrier en tout cas. Si j’en crois la lettre que je dois vous remettre, les impôts vous réclament de l’argent.
- Le gouvernement a été dissout il y a des années. Veuillez à présent quitter ma propriété jeune homme. J’ignore comment vous avez survécu, ni pourquoi vous me faites ce petit numéro mais si vous recommencez un jour, je n’hésiterai pas à utiliser mes drones si nécessaire.
- C’est vous qui voyez monsieur. Cependant, il faut bien que je vous remette cette lettre. Je vois que vous n’avez pas de boîte à lettre. Je la glisse donc sous le portail et je mets une pierre dessus, ça vous va ?
- Fichez moi le camp !
- Si j’en crois qui est écrit sur la lettre, vous êtes Thierry Auclair. Je crois me souvenir de vous. C’est vous qui avez vendu vos actions de chez Pfizer lors de la sortie du premier vaccin pour le COVID-19 ? Je comprends mieux comment vous avez pu vous acheter une baraque pareille. Bon, je vous laisse. Et un conseil, faites-vous soigner. Bonne journée.
Son insupportable visiteur était enfin parti. Ce qu’il avait entendu l’avait profondément bouleversé. Pourquoi un survivant prendrait-il autant de mal à tenter de lui faire croire que l’épidémie de COVID-20 n’avait jamais eu lieu ? N’avait-il pas mieux à faire ? Et pourquoi lui avait-il parlé de son ancien employeur ? Il lui fallait tirer ça au clair et très rapidement.
Il se mit à regarder les enregistrements de l’échange qu’il venait d’avoir. Chaque détail avait son importance. A première vue, son ancien interlocuteur ne présentait aucun signe d’infection. Il remarqua que son habit de facteur semblait authentique et était neuf. Dans sa bandoulière, un bout du calendrier des postes dépassa. Il fit un zoom pour y voir plus de détails. Le calendrier datait de 2022. Une vague de terreur le submergea. C’est l’année où avait pris fin l’épidémie du COVID-19. Se pourrait-il que ce facteur eusse dit la vérité ? Sa tête lui tourna et il commença à perdre l’équilibre sous l’effet du choc.
Le robot psychologue fit alors irruption dans la pièce. Grâce à ses capteurs des signes vitaux liés son maître, il arriva à temps pour le rattraper avant qu’il ne tombe sur le sol. Il le prit ensuite dans ses bras et alla l’allonger sur le canapé du salon. Il lui mit une couverture et prépara un petit remontant dans la cuisine qu’il apporta à son maître. Lorsque Thierry Auclair reprit ses esprits, le robot psychologue, assis à ses côtés lui demande :
- Comment vous sentez-vous maître ? Vous avez fait un malaise dans votre salle de surveillance. Je vous ai rattrapé à temps avant que vous ne vous effondriez sur le sol.
- Je me sens mieux. Je dois dire qu’il m’est arrivé une drôle d’aventure. Un facteur a sonné à la porte et prétendait que le monde extérieur était intact. Et en analysant mes enregistrements, j’ai vu qu’il possédait un calendrier datant de 2022. Rassure moi, nous sommes bien en 2032 ?
- Bien sûr monsieur. Je suis vos travaux depuis dix ans, vous le savez. Il est vrai que cette rencontre est étrange mais cela ne doit pas remettre en doute la réalité.
- C’est tout de même très étrange. Je vais allumer la télévision pour voir si une chaîne serait revenue par exemple. Ca fait des années que je n’ai pas essayé.
- C’est inutile monsieur. Cela fait neuf ans que toutes les chaînes ont cessé d’émettre. Nous devons consommer le moins d’électricité possible, le manoir tient grâce aux génératrices et aux robots qui l’alimentent sans cesse. Je vous conseille plutôt un peu de repos. Je vous ai préparé un petit composant pour vous détendre. Quant à moi, je vais tâcher de tirer cette affaire au clair. Ensuite, il faudra continuer vos travaux pour trouver un vaccin, c’es très important pour votre équilibre mental.
- Vous avez peut-être raison. Je pars me coucher.
Le robot psychologue raccompagna son maître qu’il aida à se coucher. Très vite, il trouva le sommeil. Le robot psy se dirigea ensuite vers la salle des télécommunications dont Thierry Auclair ne se servait plus depuis qu’il n’avait plus réussi à joindre qui que ce soit depuis neuf ans. Il sortit d'un des tiroirs du bureau un vieux télégraphe et l’installa. Il commença à écrire un message par onde radio codé en morse : « Le dernier survivant humain se trouve dans un état psychologique alarmant. Veuillez demander à vos enfants humanoïdes de cesser leurs blagues idiotes. »
FIN
Créez votre propre site internet avec Webador