
Aujourd’hui est une nouvelle journée paisible dans le magnifique champs que j’ai toujours connu et n’ai jamais quitté. Le sol regorge d’herbe fraîche qui a été goulument nourrie par la dernière averse accompagnant le premier orage de la saison. Mon amie Georgette est partie rejoindre le reste du troupeau qui s’est mis à l’ombre sous la coupe bienveillante des cinq pommiers bordant l’est de notre territoire. Au loin, j’aperçois le champs d’en face sur je n’ai jamais pu aller goûter l’herbe. Car nous sommes enfermées. Une grille borde notre champs et nous recevons des chocs terribles à chaque contact. De plus, nos deux champs sont séparés par un étrange chemin donc la structure du sol m’est étrangère. Je vois régulièrement des structures métalliques contenant un humain et parfois même plusieurs y circuler. Lors de leurs passages, les plus jeunes d’entre eux nous lancent parfois des grands sourires et nous font des signes de la main dans ce que je pense être une forme de salut. Mais la plupart d’entre eux ne font même pas attention à nous. Ils passent devant notre territoire et se rendent probablement dans leurs champs à eux, s’ils adoptent le même mode de vie que nous. Mais aucune d’entre nous n’est capable d’affirmer avec certitude où ils se rendent car nous n’avons jamais pu franchir les grilles.
Ce mystère a donné lieu à toutes sortes de spéculations. Au fil du temps, une légende s’est forgée autour du seul humain avec nous sommes en contact : Norbert. Norbert vient nous voir tous les jours, à heures fixe. Norbert est très gentil et très doux, nous avons toutes le sentiment qu’il nous aime comme si nous faisions partie de son espèce. Cependant, nous supposons que son amour pour nous n’est pas désintéressé. Certes, il vient nous caresser, remplir les réservoirs d’eau et nous parler d’un ton rassurant dans un dialecte qui nous est inconnu. Mais Norbert vient nous traire tous les jours pour récolter le précieux liquide que notre corps produit. Lorsque Norbert nous traite, nous avons mal. Nous avons tenté de le lui dire mais il ne semble pas comprendre notre langue. A chaque plainte, il ne réagit pas et ne regarde même pas celle qui lui demande d’arrêter. Le temps passant, nous avons arrêté de lui faire comprendre que l’on souhaite qu’il arrête. Nous prenons sur nous et subissons ce moment désagréable de la journée. Pour ensuite retourner à notre petit paradis.
La légende entourant Norbert est aujourd’hui admise par toutes. S’il vient tous les jours récolter notre précieux liquide, c’est forcément qu’il en a besoin. Mais étant donné les quantités faramineuses récoltées chaque phrase depuis ma naissance, il nous parait évident qu’il n’en fait pas juste un usage personnel. Nous supposons donc qu’il l’utilise pour les humains que nous voyons circuler dans les carcasses de métal. Nous ne voyons jamais Norbert aller brouter de l’herbe ou aller boire dans les réservoirs d’eau comme nous. Nous supposons donc que notre liquide sert de nourriture à Norbert et à aux autres humains. Norbert est donc l’humain qui maintient en vie son espèce. Cela nous remplit de fierté de contribuer à faire vivre une autre espèce que la nôtre. Nous comprenons la raison pour laquelle nous sommes aimées et appréciés par Norbert. Son amour est celui de l’humanité entière. Sans nous, ils ne pourraient pas vivre. Nous sommes donc des sortes de dieux pour eux. Tel est la légende qui habite aujourd’hui notre troupeau.
Cependant, une nouveauté de taille a lieu de jour. Norbert ne vint pas seul. Est à ses côtés un autre humain avec des lunettes noires et une blouse blanche. Il porte dans sa main gauche une valise métallique de couleur grise. Norbert nous présente à cet étrange visiteur et nous caresse un par une par une, ce qui a tendance à nous rassurer. L’étranger échange quelques mots avec Norbert qu’évidemment nous ne comprenons pas. Puis Norbert puis désigne du doigt les réservoirs d’eau. L’étrangers s’approche de l’un d’entre eux puis pose sa valise sur le sol. Il en sort un étrange tube jaune lumineux qui nous a toutes éblouies lors de sa sortie. Et verse ce mystérieux contenu dans la réserve d’eau. Il répète l’opération pour toutes les autres réserves. Puis va serrer la main à Norbert qui l’accompagne ensuite vers la sortie.
Je m’approche du réservoir d’eau situé près des cinq pommiers. La couleur est différente par rapport à d’habitude. Une sorte de jaune fluo a remplacé l’ancienne couleur. Je tourne la tête vers Georgette qui me lance un regard inquiet. Qu’a administré notre mystérieux visiteur dans notre eau ? Nous ne pouvons pas nous passer d’eau et aucune d’entre nous n’est capable de remplir ce réservoir. Je décide donc d’y goûter. J’approche la tête de réservoir et palpe le liquide avec ma langue. Le goût ne me parait pas différent de d’habitude. Mais très vite, un affreux mal de tête m’accable ainsi qu’une grande fatigue. Je vais vite me mettre à l’ombre sous les pommiers et vais m’allonger tout en espérant n’avoir pas fait une grosse bêtise.
Je suis réveillée par une pomme qui me tombe sur la tête. J’ouvre lentement les yeux et voit plusieurs paires d’yeux me fixant avec inquiétude. En voyant que je reprends lentement connaissance, Georgette s’approche vers moi. Son regard inquiet dirigé vers mes pis me fait comprendre qu’il s’y passe quelque chose d’inhabituel. J’y jette donc un regard et constate que mes pis sont devenus jaune fluo, tout comme l’eau que j’avais avalé avant de m’évanouir. Je me relève sur mes quatre pattes et je constate qu’ils sont plus lourds qu’habituellement. Le troupeau semble nerveux à la vue de ma nouvelle apparence.
C’est alors que Norbert et son ami à blouse blanche font à nouveau irruption dans notre champs. Norbert fait disperser le troupeau et s’approche vers moi. Il remarque immédiatement la couleur de mes pis. Il se tourne vers son camarade qui lui fait un geste rassurant. Comme si ce qu’il voyait correspondait au résultat qu’il attendait. Il continua à s’approcher vers moi, et je commençais à ressentir une profonde panique, comme si je savais que je m’apprêtais à me faire enlever. C’est à cet instant précis que mon corps fis une chose qui ne m’était alors jamais arrivée. L’avant de mon corps se mit à basculer en arrière, et je ne tenais plus que sur mes deux pattes arrières. L’homme qui s’approchait eut une expression d’admiration mais de surprise. Il se tourna ensuite vers Norbert et lui parla dans un langage qu’à présent je comprenais :
- Regardez Norbert ! L’expérience a fonctionné. Une de vos vaches commence à évoluer à une rapidité folle. Elle marche à présent sur deux pattes.
- C’est incroyable ! Vous pensez que cela est de bonne augure pour pouvoir sauver mon fils ?
- Vous rigolez ? Evidemment que nous allons pouvoir le soigner. Cela n’est plus qu’une question de temps à présent. Je vais faire une prise de sang à vos vaches et nous pourrons ensuite finaliser le médicament.
Sans que je comprenne pourquoi, alors que j’étais toujours sur deux pattes, me pis se raidirent et un étrange liquide jaune en sortit. Probablement à cause de la détection d’une menace imminente. Certaines gouttes expulsées touchèrent l’homme à la blouse blanche qui se mis immédiatement à hurler douleur. Je continua à le viser, et à force de recevoir mes étrange liquide, sa peau commençait à fondre. Après une minute à se tordre dans tous les sens, son corps de bougeait plus. Mon regard se fixa ensuite vers Norbert, qui me regarda d’un air effrayé puis s’enfuit à toutes jambes.
Je prenais immédiatement conscience de la gravité de la situation. Je venais de tuer un humain. Ils voudront sans aucun doute se venger de la perte d’un des leurs. Il me fallait trouver une solution rapide pour faire face à cette situation. Une idée me vint rapidement. S’il fallait se battre, je ne pourrais évidemment par le faire seule. J’ordonnais donc au reste du troupeau de boire l’eau qui m’avais métamorphosé. Face à ce que je pouvais faire si l’on ne m’obéissait pas, toutes mes compagnes se précipitèrent vers les réservoirs d’eau. Toutes burent sans exception. Et toutes tombèrent ensuite dans un long sommeil.
A leurs réveils, nous découvrions que nous pouvions toutes expulser de l’acide sulfurique à travers son pis. Mais mieux encore, nous pouvions à présent communiquer par la pensée. Les pensées des unes et des autres s’entrechoquèrent toutes dans nos esprits. C’était comme se retrouver un milieu d’une foule où tout le monde parlait en même temps, mais dans nos têtes. Afin que les conversations soient compréhensibles par toutes, je leur ordonnais non sans mal de s’exprimer à tour de rôle et d’éviter d’interrompre la vache qui communiquait avant de pouvoir prendre la parole à son tour :
- Qu’allons-nous devenir mes sœurs ? Les humains vont revenir et vont vouloir nous achever toutes après avoir vu ce qui est arrivé à ce chercheur, dit une de mes compagnes.
- Il faut absolument faire quelque chose, enchaina une autre.
- On ne peut pas rester ici, dit sa voisine.
Tout le troupeau était paniqué. Certaines étaient pétrifiées par la peur. D’autres souhaitaient en découdre avec les humains. Tandis que d’autres souhaitaient retrouver leur état d’avant. Il était impossible de mettre tout le monde d’accord. D’étranges lumières bleues clignotantes firent alors leur apparition au loin. Elles accompagnaient les fameuses boîtes métalliques que nous regardions passer qui contenaient des humains. Il était très probable que ces humains viennent pour nous. Cette nouvelle menace calma le troupeau et je pus retrouver mon leadership. J’ordonnais télépathiquement à toutes les vaches de se cacher derrière les arbres, sur deux pattes avec les pis prêts à tirer, mais uniquement sur mon ordre. J’étais la seule à me tenir à découvert. Toutes obéirent et se mirent en place. Les humains qui débarquèrent sur notre champs étaient tous équipés de casques, de vêtements noirs et de mitraillettes. Norbert se tenait à côté de leur chef et il me désigna du doigt. Immédiatement, ce dernier donna l’ordre à son escouade d’ouvrir le feu. Je donna le même ordre par la pensée à mes compagnes, tout en leur demandant d’épargner Norbert. En quelques secondes, mon armée arrosa les guerriers humains d’acide sulfurique qui connurent la même fin que le scientifique. Norbert, se tenait au milieu de cadavres paralysé par la peur. Je m’approchais de lui et prononça des mots dans son langage :
- Norbert, je sais que tu as fait ça pour tenter de sauver ton fils. Mais vous nous avez donné un pouvoir beaucoup trop grand à présent. Notre intelligence se décuple d’heures en heures. Nous pouvons communiquer par la pensée. Nous allons répandre cette invention pour nos sœurs et prendront le pouvoir sur cette planète, de gré ou de force.
- Mon fils souffre de démence précoce. J’ignorais que cette expérience allait vous transformer ainsi. Ne me faite pas de mal s’il vous plait, j’ai toujours été bienveillant avec vous. Et mon fils a besoin de moi, me répondit Norbert au bord des larmes.
Je décidai de le laisser partir. Il ne présentait aucunes menaces et je ne voulais pas devenir un monstre en l’assassinant froidement. Je me tournai alors vers mes sœurs. Il était temps pour nous de commencer notre marche vers la conquête de la planète.
FIN
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